Voilà, La semaine du Manx GP et du Classic TT arrive à son terme demain. La belle aventure de Morgan Govignon se termine aussi. Durant près de quinze jours , il nous aura fait partager ses joies, ses peurs et ses doutes.....mais toujours avec calme et raison . Se remettant en permanence en question il aura progressé jusqu'à atteindre son objectif.....finir les courses avec comme bonus une réplica.
Morgan aura su tourner sa poignée de gaz avec la même dextérité que la plume qui nous a fait vivre cet aventure.
En voilà d'une belle leçon de vie et de moto qui fait taire tous les médisants des road races comme quoi les pilotes sont des écervelés trompes la mort, des égoistes ne pensant qu'a eu sans se soucier de leur entourage.
Voilà, maintenant une nouvelle aventure t'attend(...vous attend) dans quelques semaines, tout aussi belle et chargée d'émotion. Merci à toi camarade !!!!
Je remets le lien pour ceux qui veulent lire tout depuis le début:
http://motoclubfleurdelys.e-monsite.com/pages/reportages/momo-au-manx-gp-2014.html
Maintenant je te laisse la place...
A 28 ans du matin...
Il est 6h du matin, ce jeudi. Malgré la grosse journée de la veille, je ne dors plus. Je n’ai pas réussi à vous écrire hier, et je cherche depuis cette nuit comment je vais pouvoir vous raconter « ça »…
Hier, j’ai eu l’impression d’aller au boulot. Tout était normal. J’avais donné à Stéphane le droit de faire ce qu’il voulait sur la moto. Je lui ai juste demandé avant de partir dans quel sens il avait tourné les vis de réglages, pour savoir ce qu’il avait cherché à faire, en fonction de ce que je lui avais raconté la veille. Et je suis parti, comme ça, faire mes quatre tours, sans rien penser d’autre que m’appliquer, et prendre du plaisir. Dans le calme, comme si j’allais au travail… Mais quel travail !
Mardi, j’avais un peu la pression de finir, de réussir. J’avais pas le droit de tomber, ni de casser. Abandonner quand on a son rêve entre les mains doit être la pire des expériences… Au passage, le problème de 6ème vitesse était bien dû à mon pied gauche, toujours trop faible au relevé. Hier, je suis parti pour le plaisir, et j’ai tourné la manivelle de mon orgue de barbarie aussi vite que j’ai pu. Je l’ai senti… A Quarry Bends, succession de 5 virages très rapides, la moto s’est faite de plus en plus lourde à balancer. J’ai posé le genou dans de nouveaux virages, suis sorti du quadruple droit de Verandah à 211 km/h, et vu la réserve d’essence s’allumer 4 kilomètres plus tôt que la veille. J’ai compris que les réglages du Chef portaient leurs fruits, rendant la moto moins vicieuse. Je savais que j’étais plus vite, mais je ne savais pas combien. Mardi, j’ai fait la course à 103.3 mph de moyenne, avec un meilleur tour en 21min33. Là, je sais que je suis mieux.
Sur ces quatre tours, libéré du devoir de réussir, je n’ai pensé qu’à m’appliquer. J’ai juste eu peur quand j’ai vu les pales de l’hélicoptère médical dans le contrebas d’Hailwood’s Height. J’ai eu peur que ce soit Julien. Puis j’ai calculé, en fonction des places et du temps qui pouvait nous séparer qu’il n y avait pas assez de minutes pour que ce soit lui, et que l’hélico soit déjà arrivé. J’ai soufflé, souhaité de toutes mes forces que l’inconnu du ravin aillé bien, et j’ai continué ma route. J’ai vu la mer à Kate’s Cottage, et j’ai retrouvé mon pote, le drapeau à damier. Et j’ai pas pleuré. Je suis retourné au parc fermé, et sur ma route, j’ai croisé une fille qui pleurait. Céline… Elle pleure la fin de ses questions, elle pleure pour moi, parce qu’elle sait depuis la première minute que je n’aurais pas pu vivre sans l’espoir de poser mes roues sur ce circuit. Mon frangin nous rejoint, me saute dans les bras. C’était important pour lui aussi, il l’a vécu autant que moi. Stéphane arrive, plus discret. On se regarde, on s’étreint, et on sait… On sait que j’étais mieux sur la moto, je sais que c’est en grosse partie grâce à lui, et il me dira que c’est en grosse partie grâce à moi… Pour être tout à fait exact, il a assaini mon serpent de mer pour que je puisse tourner la poignée encore plus fort. Et le résultat est là. A un peu plus de 107 mph de moyenne, soit 172 km/h pendant 240 kilomètres, avec un tour en 20min32sec à 110 mph, j’ai explosé mes temps d’hier, et viens d’atteindre les deux derniers objectifs que j’avais pour cette année : descendre dans les 20min30, et décrocher un Replica, petite statuette attribuée aux pilotes qui entre dans les 110% du temps du vainqueur.
Tout vient de m’arriver là. Toutes les cases sont cochées dans ma liste au père Noël… Et je ne sais plus quoi dire. Enfin si, que j’aurais aimé que Tibo soit là pour fêter ça avec nous. Que j’aurais voulu que JC, mon père d’atelier, et JB, mon frangin d’atelier, soient là également, parce qu’ils ont toujours beaucoup compté pour moi. J’ai un sentiment de plénitude, le même que j’ai connu en haut du Mont Faron en 2007, lors de la dernière étape du Moto Tour, ma première course, que je croyais alors être la dernière…J’ai un sourire crétin figé sur les lèvres. Je regarde mon frère, mon Chef, et ma femme… Je suis très exactement là où je voulais être…
Avant de conclure, je souhaite remercier tous les gens qui m’ont soutenu au fil des années, qui m’ont tendu la main quand beaucoup souriaient… A commencer par l’équipe de Tecmas, chez qui j’ai beaucoup appris, mécaniquement et humainement. Le Conseil Général du Cher, Madame Chêne et Monsieur Gomes, qui m’ont apporté un énorme soutien ces deux dernières années. Arnaud Sassonne et Moto Expert, qui ont toujours été à mes cotés, et ne se sont pas foutus de ma gueule quand je passais du haut de mes 18 piges avec mon 125 TZR leur demander comment faire pour être pilote. Ma ville, Mehun sur Yèvre, et Monsieur Koszek, qui m’a toujours envoyé un soutien, même dans les moments difficiles de la saison. A l’IUT de Bourges, l’école qui m’a supporté pendant deux ans, et chez qui je retourne avec plaisir quelques soirs, pour parler moto avec des passionnés dans un amphi. A Cyril Coudière et Axa Assurance, sponsor de la première heure… Je te revois, Cyril, à la maison autour du poulet brûlé, me dire « Mais l’ile de Man, monsieur Govignon, l’ile de Man ! ». A l’équipe de SilverPerformance, que j’ai sollicité maintes fois cette année pour rendre la moto un peu plus performante. A JC, qui m’a fait une belle peinture que j’ai honteusement bousillée au rallye de l’Ain, et qui m’a donné la première tape dans l’épaule. A AEB Electricité, mes « Jules-de-chez-Schmidt-en-face » voisins de bureau et arrivés cette année dans l’aventure. A Fabrice Dion et Maintenance Service, pour la chaussette sous le casque, les bougies et le reste. A mes étudiants de Génie Mécanique, qui ont bossé sur mes motos pour les rendre un peu plus vite, le soir, après leurs cours. A Edouard, mécène surprise de la dernière heure, juste parce qu’il trouvait ça chouette. a Steve, pour lesq heures passées au téléphone à m'expliquer comment ça se passait ici. A Seb, pour les pièces à coté de la maison, et les paiements à 45 - 60 jours. A mes potes, JB, JC, Tonton Roland, Pedro, Benoit, la bande des Fleurs de Lys, et Xavier… Aux gars (et aux filles !) de mon boulot qui me supporte au quotidien, mais quand j’ai ma tête des lendemains de chute, à Ludo qui m’a fait un bel échappement… A Fabrice, mon patron, qui comprend, me laisse libre et re-signe, même quand l’hôpital me retient cinq mois. A Julien Toniutti, avec qui j’ai beaucoup partagé et appris durant ces 15 jours, et à son équipe, Fred et Pierre, toujours disponible. Au Mig et à Marc Dufour qui m’ont aidé et épaulé pendant ce Manx Grand Prix. A la grande famille des rallyes routiers, à qui j’ai pensé, Christophe, le singe du TT, Sony, Crazy, et Nick en tête. A toutes celles et ceux que j’ai croisés au fil des années, avec qui j’ai partagé un bout de chemin, parfois trop court, à tout ceux que j’oublie, mais qui par une phrase, un message, vous réconforte… Aux pilotes et supporters français venus sur l'ile de Man, avec une attention particulière pour Martial, Eric, Lancelot, John Ross et Fred, que je respère revoir sourire sur l'ile de Man...
Une phrase de Cavanna : A toi, à toi, et à toi, que j'ai tant aimées... si mal
A Yoann, Luc et Eric, à qui j'aurais aimé pouvoir raconter tout ça...
A mon équipe sur l’ile de Man, Margot, Jessy, Tibo et Stéphane, pour les heures consacrées à ce qu’on réussisse…
A ma famille… T’as vu maman, j’ai pas menti…
A Céline, ma fée, ma russe, mon amour et mon bonheur…
On arrive à la fin cette histoire… Alors, pourquoi ? J’ai voulu vous écrire chaque jour, sans pitié et sans pudeur, pour vous raconter ce qui se passait vraiment à l’intérieur d’un gars qui roule sur l’ile de Man. On replace quand même les choses en perspective, ce n’est pas le Tourist Trophy, mais le Manx Grand Prix. Le tracé est le même, la complexité aussi, mais le niveau est moins élevé qu’au TT, et le Manx en est la voie d’accès. Je ne sais pas si je reviendrais, je me suis tellement concentré sur cette course que pour la première fois, je ne sais pas ce qui vient après…
Mais l’important n’est pas là. L’important, c’est toi, toi qui lit ma bafouille, chez toi, ou discrètement au boulot. J’ai écrit ça pour toi. Je t’ai écrit parce que je suis comme toi, un petit parmi les petits, sans talent spécial ni fortune. Je t’ai écrit pour te dire qu’il n y a pas besoin d’être né avec une cuillère en argent dans la bouche, avec un talent ou un don pour y arriver. Je t’écris pour te dire que tout ce qui compte, c’est de rêver, de t’écouter, et de te battre. On est jamais les mieux lotis, on sera jamais les meilleurs, mais l’important, c’est de savoir qu’on se bat chaque jour pour faire ce qu’on aime, avec ceux qu’on aime, même si ça rend le quotidien plus difficile. On finira tous par mourir. L’important, c’est ce que tu auras fait avant… Y a rien de plus con que de tourner en rond sur un circuit, fut-il mythique… Mais que tu veuilles être coiffeur, astronaute, danseuse étoile, ou juste avoir un beau jardin, ça n’a pas d’importance, tant que ça n’a qu’un but : te rendre heureux. Ce que je t’ai écrit, c’est que ça va pas toujours être simple. Que t’auras peur, mal, ou les deux. Que ça prendra du temps, mais que les sexagénaires à la remise des prix hier m’ont prouvé qu’il n’est jamais trop tard. Qu’il n y a pas de héros, juste des bouts de chair et d’os qui n’ont pas assez de temps sur cette terre pour se laisser aller à la tristesse, à la fatalité. Que certains sont meilleurs que d’autres. Que beaucoup sont bien meilleurs que toi, que moi.
Ce que je t’écris, Pimente, toi ma petite fille à qui j’ai donné ce surnom débile pour le piment que tu as apporté ces derniers mois, ce que je t’écris, petite puce qui verra le jour en Octobre, toi qui m’a massé le dos à grand coup de pied depuis le ventre de ta maman cette semaine, toi à qui j’ai fait une jolie chambre avant de changer le cadre de ma moto, ce que je t’écris, ma petite, c’est que toute la vie est devant toi… Que je me fous que tu aimes la moto ou pas, je me fous de ce que tu choisiras…
Que j’espère juste que tu Aimeras…
©Corinne Montculier