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C'est l'histoire d'un gosse #6 avec un bonus

Publié le par STEVEN

Savoir prendre son Ton...

Mercredi, nous sommes partis depuis une semaine. Je n’ai pensé qu’à la course, qu’à répondre à toutes ces questions qui ont mûri pendant une quinzaine d’années. Je me rappelle quelque passage… La disparition de Joey Dunlop, en 2000. Une photo dans Moto Journal sur sa 1000 VTR, sautant à Ballaugh Bridge. J’étais parti courir, les larmes aux yeux, me jurant qu’un jour j’irai rouler dans ses traces. Dunlop, c’était l’espoir pour moi. Capable de gagner à 48 ans, la clope au bec et la bière à la main, en ayant démarré tout seul, alternant courses et séances de mécanique entre deux trajets en camion… Je me disais que ce mec là était normal, un petit, comme moi, et que je pouvais donc y arriver aussi, en bossant très fort. En roulant ici, j’ai compris que c’était aussi et surtout un génie de la trajectoire.

Mercredi matin, donc. J’ai envie de respirer, j’ai envie de passer un petit moment avec Tibo, mon pote à la compote avec qui je partage tout depuis 10 ans, mon frère Jessy qui connait encore mieux le tracé que moi, et Céline, qui m’avait dit, bien avant qu’on soit ensemble, qu’un jour, elle viendrait me filmer sur l’ile de Man. Une petite ballade sur la promenade de Douglas, un English Breakfast histoire de manger local, puis un tour du circuit en camion. On en profite pour regarder les paysages… Oh, t’as vu, on voit la mer ! Ah oui, sauf que moi, je ne l’avais jamais vu ici… Moi, je vois la maison blanche où je prends les freins, le trottoir peint en blanc et noir, et les deux autres virages à droite qui me font entrer dans de Kirk Mickael. C’est très surfait Kirk Mickael, je pense que je dois le traverser en une quinzaine de secondes…

Aujourd’hui, je ne travaille pas. Je vis et souris avec ceux qui sont là et resteront toujours, même si la course s’en va. Je les aime.

Du coup, petit coup de pression avant de partir : j’ai pas bossé. Je réfléchis à quelques endroits où je pourrais gagner du temps, me décide pour la section d’après Rhencullen et le fameux gauche de Ballacrye. Parti dans les derniers, je retrouve le plaisir de lundi au guidon. Personne devant, personne derrière, j’ai 60 kilomètres pour moi sans radar, sans avoir peur de blesser quelqu’un, sans personne qui vient en face. Et en plus, il y a des gens qui m’encouragent… Je sais qu’à Gooseneck, Corinne ‘Tite route et un groupe d’irréductibles gaulois attendent le passage des français. Un petit salut « Purple Helmet Style» plus tard, je file dans la montagne, seul, le compteur affichant 248 km/h…

Deuxième tour, je récite ma leçon encore un petit mieux, et surtout, le sourire aux lèvres… J’ai l’impression d’être plus vite, mais aussi plus à l’aise qu’hier. La moto qui bouge, se soulève sur la bosse de Ballacrye, louvoie dans Bottom of Barregarow devient une bête à dompter, tout en sachant la laisser vivre… Arrivé à « The Nook », juste à la fin du circuit, je double un pilote. J’en mets un peu trop dans le sous bois et arrive en catastrophe complet directement à la corde de la minuscule saloperie d’épingle de Governo’s Bridge. J’ai bien compris que j’étais dans la merde, mais n’hésite pas une seconde : je sors le pied en mode rallye-j’te-dis-qu’ça-rentre… et ça rentre… 600m, et le drapeau à damiers.

Mon frère à sa tête du gars content. C'est-à-dire qu’on ne sait pas trop mentir dans notre famille. Je crois que je l’ai… J’en suis sûr… Oui, il sourit trop… Je viens de passer le Ton, avec un tour en 22min 24sec !

Le Ton, c’est la barre des 100 miles par heure, soit 160,9 km/h de moyenne au tour. C’est un peu l’objectif de tout pilote qui vient ici pour la première fois, car ça commence vraiment à défiler… Mais histoire de rester les pieds sur terre, je me souviens aussi que le Ton a été passé pour la première fois par Bob Mac Intyre en… 1958… ça me fait sourire d’être content quand même… comme quoi, il en faut peu pour un enfant !

Hier soir, il manquait juste une cheminé. A 1h du matin, nous étions 7 froggies, spectateurs ou pilotes, à se raconter nos petites histoires et nos grosses galères, sans langue de bois, sans se la péter… Le Ju, qui a fait péter le 9ème temps en Newcomer A avec une pendule en 21’06, nous a vendu du rêve avec ses saisons de rallye… Dommage que Père Protat n’ait pas voulu nous raconter une nouvelle histoire, parce qu’entre le « Nac-nac-terre-plein », le « je te double en te tirant par la selle », et le « je retiens ta moto avec mon coude pour gagner », Fred, qui m’impressionnait tant dans le paddock lors de mes débuts de mécanicien en 2006 avec son air de boxeur et ses silences en qui en disaient trop, s’avère un mec génial, franc, et entier. La légende comme quoi il aurait sourit pour la dernière fois en 1996 est donc complètement erronée, et le personnage vaut le coup d’être écouté, et respecté.

Voilà, on est tous là dans la nuit, content de notre petite séance d’essais, de vivre cette course de l’intérieur, d’être ensemble, et d’avoir la sensation de se comprendre…

Cadeau Bonus : Le Bon, la Brute, et le Truand

Faut quand même que je vous raconte… Mardi, Fred (ex-pilote de GP 250, 500, superbike France et mondial) dont je vous ai parlé tout à l’heure, Christophe (un fana de road races), et moi-même, sommes parti faire un tour du circuit, histoire que je révise mes leçons…

Tout se passait à merveille, quand soudain, à la sortie de Ramsey, une Norton Commando (celle Manchzeck dans le Joe Bar), démarre devant nous, passagère agrippée au porte-bagage, casque bol sur la tête et Climax aux yeux. La scène est déjà belle.

On attaque donc la montagne, à la queue leu leu, quand un bruit de tonnerre déchire mes tympans pourtant mélomanes : La Commando déboite la file de bagnoles et s’en va, laissant tout le monde sur place. Le conducteur de la voiture qui arrivait en face, par contre, devait beaucoup moins rigoler. Bref, une fois la voie dégagée, j’en tombe deux, soude, empile les vitesses, et revient sur la Commando vieille de 45 ans. Le mec est cinglé. Je le double, le dépose au moteur, attend quelques kilomètres plus loin d’avoir la route dégagée pour doubler une nouvelle file de voiture… Et me refait passer par la Commando qui, visiblement, aime donner des sensations aux gens qu’elle croise. Elle rentre dans Verandah, la passagère droite comme un I, le pilote aussi. La moto louvoie, je les vois mourir 10 fois dans ce quadruple droit… et non. Soit le mec est en contact direct avec dieux, soit c’est dieu lui-même. On sort de Bungalow, je dois bosser cette section (où j’ai pris la rafale de vent), mets gaz, redouble, fais 5 bornes, me retrouve à nouveau coincé derrière une caisse… et 5 secondes après, la commando qui me redouble, à bloc… Mais merde, je me traine ou quoi !!! Je regarde derrière, plus de Fred, plus de Christophe… Bon, je dois pas tant me trainer que ça… On se rejoint tous dans Creg Ny Ba, où la route redevient limitée en vitesse (oui oui, tout ce qui c’est passé avant a été effectué dans la plus grande légalité… de l’ile de Man !) On suit la Commando jusqu’au rond point de Governor’s. La passagère, dont je n’ai vu que la queue de cheval au vent, à le sourire. Le pilote relève la manche de son cuir, regarde sa montre, et s’en va dans le grondement du twin parallèle… Surréaliste.

On revient au paddock, je vais direct voir Fred qui n’a pas suivi (en même temps, c’était son premier tour de bécane sur l’ile et dans la montagne, alors que je la lime depuis 4 jours !!!), et lui demande s’il veut s’en acheter une aussi, de Commando… On rigole, on se raconte 10 fois cette ballade, on raconte à Ju, qui se moque… Sauf que j’ai retrouvé le mec… Ou plutôt la queue de cheval. J’entame donc la conversation avec miss queue de cheval, valide que le type qui est à coté d’elle est bien le pilote de la Commando... Oui, c’est bien lui. Je lui dis qu’il est débile, que je l’ai vu mourir 10 fois, dont au moins 5 fois dans le même virage… Il rigole, se fout de ma gueule… Il m’a bien remis, le salaud, avec la moto noire hier dans la montagne… On discute, et j’apprends… qu’il a battu ici même Joey Dunlop, fait 3ème en 250 au TT, et gagné le Manx GP il y a 15 ans…

Alors, qui du Bon, de la Brute, et du Truand ?

C'est l'histoire d'un gosse #6 avec un bonus